Perspectives pour 2022: trois thèmes de concurrence pour l’année à venir

Perspectives pour 2022: trois thèmes de concurrence pour l’année à venir

Le droit de la concurrence sera de nouveau à l’origine d’événements importants l’année prochaine.

Nous avons sélectionné trois thèmes auxquels il convient d’être attentif cette année :

1.L’augmentation rapide des recours collectifs ;

2.La révolution de d’antitrust numérique qui se poursuit ; et

3.Les défis réglementaires des entreprises qui s’efforcent d’atteindre les objectifs de développement durable de la COP26.

1.Caméras, lumière, action !

Le nombre de recours collectifs au Royaume-Uni augmente de manière considérable. Quatre dossiers ont été certifiés cette année, cinq sont en attente d'un jugement de certification, et quatre autres sont en attente d’une audience de certification. Il y a également des rumeurs , d’autres encore à prévoir.

Ces affaires impliquent des millions de demandeurs et pourraient aboutir à des dommages et intérêts de l’ordre de plusieurs milliards de livres sterling.

Les caractéristiques des cas sont très variées :

Certains d’entre eux concernent des acheteurs directs tandis que d’autres concernent des acheteurs indirects. Certains ont été lancées par des consommateurs tandis que d’autres ont été lancées par des entreprises. Certains concernent des dommages et intérêts de cartels découlant de jugements, tandis que d’autres portent sur des allégations d’abus de position dominante.

Le consensus général selon lequel la Cour suprême a fixé des critères accommodants pour le jugement relatif au dossier Merricks semble se confirmer cette année, car aucun autre dossier n’a été refusé.

L’intérêt porté aux critères de certification et l’approche en la matière n’évolueront probablement pas en 2022, étant donné que des jugements sont attendus dans des affaires relativement complexes ayant des caractéristiques différentes de ceux qui ont été certifiés cette année. Par exemple, les jugements relatifs aux cas « Trucks » et « Forex » seront les premiers à impliquer des réclamations importantes par des entreprises plutôt que des consommateurs, et les premières à impliquer des réclamations de recours collectifs concurrentes. En 2022 néanmoins, l’attention devrait commencer à se détourner de la certification pour se concentrer sur la manière dont l'ampleur et la diversité des recours collectifs seront traitées dans la pratique au fur et à mesure de leur progression vers le procès. À ce titre, il convient de déterminer si l’analyse économique à des fins d’évaluation des dommages et intérêts risque d’être différente pour les recours collectifs par rapport aux actions en justice individuelles.

Ci-dessous, nous traitons ce sujet selon les trois aspects clés d’une évaluation de dommages et intérêts : précision, répercussion et divulgation.

PRÉCISION

Dans les cas où il est approprié d’estimer certains éléments d’une perte sur la base du « marché dans son ensemble », l’analyse économique dans les cas de recours collectifs est susceptible de refléter étroitement l'analyse équivalente entreprise dans les procédures individuelles. Dans les deux scénarios, l’analyse économique utilise les données sur toutes les ventes effectuées par le(s) accusé(s) pendant une période donnée. Ce peut être le cas lorsqu’on estime que les effets d’une infraction sont similaires pour toutes les ventes ou lorsque des échantillons importants de données sont nécessaires pour produire des estimations de dommages et intérêts fiables.

En revanche, il reste à voir si l'accent pourrait être mis davantage sur la précision dans les cas de recours collectifs que dans les procédures individuelles. Tandis que le principe d’un « hache large » est pertinent pour les deux types de procédures, l’ampleur des recours collectifs signifie que toute incertitude quant aux calculs des dommages et intérêts pourrait entraîner des variations considérables pour les estimations globales. Par exemple, si un recours collectif implique 20 M participants qui ont chacun dépensé 100 £ par an pendant une période de 10 ans pour un produit ou un service donné, chaque point de pourcentage de surfacturation supplémentaire équivaudrait – toutes choses égales par ailleurs – à 200 M£ tous participants confondus. Le caractère significatif de ces « variations » pourrait entraîner un examen encore plus minutieux quant au niveau de précision sous-tendant les estimations de dommages et intérêts des recours collectifs.

Le défi pour les économistes qui sont confrontés à une telle importance accrue de la précision, est qu’une évaluation de dommages et intérêts produit forcément des estimations dans un intervalle d’incertitude.

RÉPERCUSSION

L’évaluation des questions de répercussion peut s’avérer particulièrement complexe dans les recours collectifs.

Généralement axée sur le demandeur, une telle évaluation exige

les éléments suivants :

(i) étudier la nature de tout lien entre les coûts d’entrée affectés par l’infraction soupçonnée et la fixation des prix par l’entité concernée ; et (ii) quantifier la force de ce lien (dans la mesure du possible).

En revanche, comme l’illustre l’affaire Merricks, il peut s’avérer impossible d’appliquer ce cadre avec le même niveau de détail pour les recours collectifs que pour les demandes individuelles, étant donné le grand nombre de participants concernés.

Il convient néanmoins de déterminer si une autre approche plus générale peut être adoptée pour les recours collectifs, et ce que cela impliquerait concrètement. La difficulté du processus de répercussion pour les recours collectifs peut également dépendre des caractéristiques du dossier.

Cela peut s’avérer plus complexe dans les affaires impliquant des acheteurs indirects, lorsque les questions de répercussion sont susceptibles de jouer un rôle crucial pour l’évaluation des dommages et intérêts, étant donné que la répercussion par l’acheteur direct est une étape nécessaire pour déterminer toute perte prima facie subie par les participants du recours collectif.

De même, ce défi peut être plus difficile si le dossier implique un grand nombre de marchés potentiellement affectés, car une analyse de répercussion séparée pourrait être nécessaire pour chacun d’entre eux.

DIVULGATION

L’évaluation de certains problèmes dépend typiquement de la divulgation propre au demandeur (comme la répercussion, tel qu’indiqué ci-dessus, ou les intérêts composés et les taxes).

Il peut s’avérer difficile d’obtenir ce type de divulgation de manière systématique, ou même du tout, dans le cas des recours collectifs. Les parties à ces recours collectifs devront donc peut-être être amenés à étudier des approches créatives, tel qu’un échantillonnage représentatif des participants (lorsqu’il est difficile de déterminer ce qui est représentatif sans passer tout d’abord par le processus de divulgation partiel ou total) ou l’utilisation d’informations relevant du domaine public (lorsque le défi consiste à déterminer le rapport entre ces sources et l’affaire concernée). Il peut également y avoir un écart significatif en termes de niveaux et de types de difficultés associées à la divulgation des demandeurs en fonction des caractéristiques du recours collectif en question.

Par exemple :

  • Pour les cas avec option de retrait, la possibilité d’échanger avec les participants sur la divulgation n’est pas claire ;
  • Pour les dossiers concernant les acheteurs indirects, les informations détenues par les intermédiaires peuvent s’avérer pertinentes pour évaluer la répercussion sur les participants, mais il peut s’avérer difficile de les recueillir si ces intermédiaires ne sont pas impliqués dans le dossier ; et
  • Pour les réclamations formulées par les entreprises commerciales, ces défis sont susceptibles de se poser en rapport avec plusieurs questions (ex. : taxe répercutée en aval), tandis qu’une part mineure de ces problèmes peut s’appliquer aux réclamations formulées par les consommateurs.

CONCLUSION

La discussion ci-dessus suggère qu’à l’avenir, les recours collectifs présenteront une multitude de nouveaux défis, ce qui occupera la communauté du droit de la concurrence.

Plus particulièrement, il est peu probable qu’une approche universelle de la gestion des recours collectifs ou de l’évaluation des dommages et intérêts soit concevable.

Frontier Economics conseille des représentants et des défendeurs impliqués dans un certain nombre de recours collectifs au Royaume-Uni, dont Mastercard dans l’affaire Merricks, M. Justin Le Patourel dans l’affaire BT, et les parties à d'autres procédures en cours de certification.

Cliquez ici pour plus d’informations sur la révolution en cours en matière d’antitrust numérique et les défis réglementaires des entreprises qui s’efforcent d’atteindre les objectifs de développement durable de la COP26.