Modélisation de la trajectoire complexe vers le « net zéro »

Modélisation de la trajectoire complexe vers le « net zéro »

Un modèle ascendant du comportement des clients produit des résultats intéressants

Heureusement ou non, en fonction des goûts, le public a tendance à ne pas se comporter de manière rationnelle, tel que prévu par les économistes. Ce refus de se conformer est un cauchemar pour les gouvernements à mesure qu’ils élaborent des stratégies pour sevrer la société des combustibles fossiles.

Les modèles de transition au zéro émissions nettes dans le secteur du chauffage à l’horizon 2050 se concentrent typiquement sur la voie sociale optimale – soit les technologies qui devraient être adoptées pour minimiser les coûts globaux tout en se pliant à diverses contraintes, comme le fait de veiller à répondre à la demande tout en atteignant les objectifs de décarbonation.

Le problème de ces modèles descendants, c’est que les consommateurs n’agissent pas toujours conformément aux prévisions des économistes.

Sauf si le gouvernement demande à ce que des technologies spécifiques remplacent les chaudières au fioul et au gaz, le résultat dépendra du choix de millions de ménages individuels.

Les consommateurs ne se tourneront pas forcément vers l’option la moins chère.

Leur décision peut être affectée par plusieurs facteurs, tels que la difficulté d’adopter une nouvelle technologie, ou même la connaissance des solutions alternatives.

Certaines personnes seront influencées par les autres et se comporteront en conséquence – un phénomène connu sous le terme de preuve sociale.

Les convictions en matière de technologies vertes, que ce soit pour ou contre, peuvent également être un facteur déterminant, ainsi que l’évaluation du coût initial nécessaire à un nouveau système à faible consommation de carbone par rapport aux économies à long terme que cela générera.

Le choix des consommateurs peut également être fortement influencé par les recommandations formulées par les installateurs de systèmes de chauffage.

Modélisation d’un processus décisionnel complexe

Un modèle ascendant, ou « agent-based modelling » diffère des approches descendantes conventionnelles, car il est axé sur les décisions individuelles et, plus particulièrement, la manière dont différents groupes d’agents interagissent entre eux.

Les règles individuelles qu’ils suivent sont souvent très simples mais peuvent conduire à un comportement inattendu et complexe.

À ce titre, la National Infrastructure Commission a mandaté Frontier Economics de créer un modèle de ce type pour savoir si les ABM pouvaient offrir un aperçu de l’évolution possible du marché du chauffage au Royaume-Uni.

Bien que ce projet n’ait pas pour objectif d’évaluer les différentes politiques, il montre comment ce type de modélisation peut s’avérer utile pour les décideurs politiques.

Le processus décisionnel des propriétaires est au cœur du modèle, qui intègre également les actions des autres agents tels que les locataires, installateurs et réseaux de distribution du gaz.

Les décisions prises par ces groupes ont une influence les unes sur les autres.

En simulant ces interactions, l’ABM peut illustrer les résultats susceptibles d’émerger en détail.

Par exemple, l’adoption de technologies de chauffage bas-carbone par certains propriétaires peut inciter d’autres à les suivre.

Évaluation des obstacles au chauffage bas- carbone

Les informations fournies par l’ABM sont clairment pertinentes dans un scénario où la seule source verte du chauffage provient de l’électrification, grâce au déploiement de pompes à chaleur (nous avons également étudié d’autres scénarios où les chaudières à hydrogène sont une option).

Dans ce scénario, les chaudières à gaz restent la technologie prépondérante à l’horizon 2050, malgré le fait que les prix croissants du carbone entraînent une hausse des coûts d’utilisation.

Pourquoi ?

À cause de la manière dont les ménages sont présumés prendre des décisions.

Lorsque le modèle est exécuté avec les mêmes hypothèses de coût, mais avec des clients prenant des décisions purement sur la base du coût le plus faible, l’adoption de pompes à chaleur est plus élevée.

Le modèle peut donc quantifier l’impact des obstacles non financiers à l’adoption et les effets s’ils peuvent être surmontés.

Il faut reconnaître que l’importance relative des différents obstacles à l’adoption du chauffage bas- carbone pourrait être démontrée sans élaborer un ABM complet.

La vraie valeur d’un tel modèle provient de la capacité à simuler les résultats lorsque les actions d’un groupe peuvent en affecter un autre.

Cela peut produire des résultats qui ne pourraient pas être prévus si les agents étaient pris en compte de manière individuelle.

L’impact de ces interactions peut être significatif, comme le montre notre modélisation.

Dans un scénario, nous avons simulé une intervention telle que des subventions ou un programme de démonstration ciblant un sous-ensemble de consommateurs.

Nous constatons que pour deux consommateurs directement influencés pour se doter d’une pompe à chaleur, un client supplémentaire est susceptible de choisir une pompe à chaleur suite à des effets indirects.

Ces effets comprennent l’influence des clients sur leurs voisins, ainsi que le développement d’un marché local pour les installateurs.

Ces types de retombées pourraient renforcer l’efficacité des politiques et pourraient ne pas être prises en compte dans un modèle conventionnel qui considèrerait un ensemble de propriétaires en isolation.

Nos travaux suggèrent également que le fait de cibler un groupe concentré de propriétaires, dans une seule ville par exemple, pourrait atténuer l’effet des retombées.

Déployer l’intervention d’une politique majeure sur une zone plus étendue pourrait s’avérer plus efficace.

Un cadre intégré et pratique

Notre projet démontre qu’une modélisation basée sur les agents pouvait fournir des conseils précieux pour contribuer à la transition vers un monde à zéro émissions nettes.

Ce type de modélisation est particulièrement utile lorsque les décisions prises par les clients ou les entreprises peuvent avoir une influence les uns sur les autres.

Comme indiqué ci-dessus, cela peut entraîner des situations où les effets cumulés d’une politique sont plus importants que la somme de ses parties.

Les ABM peuvent permettre de mieux cibler les politiques pour tirer profit de ces effets de rétroaction.

La structure d’un ABM, lorsque le comportement de chaque agent est explicité, offre également un cadre objectif et clair pour créer une base empiriquement fondée pour la prise de décision des clients.